- PÔ (PLAINE DU)
- PÔ (PLAINE DU)La plaine du Pô s’étend sur plus de 40 000 kilomètres carrés, dessinant un vaste triangle d’horizons plats, entre les Alpes, l’Apennin et l’Adriatique et constitue la partie la plus riche, la plus active et la plus peuplée de l’Italie. En réalité, il convient de parler des plaines du Pô; d’une part parce que les formes de mise en valeur sont variées, d’autre part parce que l’espace drainé par le Pô et ses affluents se prolonge au nord-est, au-delà de l’Adige, par les plaines de Vénétie et du Frioul, et au sud, par celles parcourues par le Reno et les petits fleuves émiliens. On a là un ensemble de basses terres sur lequel règne un climat qui a déjà des tendances continentales.Le développement de la plaine du Pô a été précoce. Sa situation entre la péninsule méditerranéenne et les voies transalpines vers l’Europe industrielle, la richesse agricole, fruit d’un intense labeur lié à de fortes densités rurales, des villes nombreuses, ont été les facteurs essentiels de l’essor padan. La plaine du Pô et ses prolongements comptent plus de 20 millions d’habitants (500 hab./km2; la moyenne nationale étant de 189). C’est une grande région agricole, en dépit de l’exode rural. C’est aussi la première région industrielle du pays. Son organisation économique s’appuie sur un réseau urbain bien hiérarchisé avec de solides métropoles régionales (Turin, Milan, Bologne...) et un semis de petites et moyennes villes actives (une vingtaine de villes de plus de 100 000 hab.). Toutefois, ce développement est inégal. La partie occidentale constitue le «triangle industriel» italien (Turin-Milan-Gênes). À l’est de la Lombardie, l’éveil industriel a été plus tardif et, globalement, reste en deçà des résultats obtenus en Piémont et Lombardie. La plaine du Pô demeure le foyer essentiel de l’économie italienne.Un fossé tectonique remblayéLa plaine du Pô correspond à un effondrement entre les Alpes et l’Apennin. Tectoniquement ce fossé correspond à une structure effondrée d’arrière-pays par rapport aux Alpes et à une fosse d’avant-pays par rapport à l’Apennin dont les couches, ployées en plis déversés, plongent sous la plaine. Le bassin padan, dont le fond s’est affaissé par un lent mouvement de subsidence, a été comblé, estime-t-on, par quelque 80 000 kilomètres cubes de sédiments tertiaires et quaternaires arrachés aux reliefs alentour lors de leur surrection; le mouvement vertical a été de l’ordre de 10 kilomètres mais la sédimentation s’est toujours faite en régime de faible profondeur avec abondance de marnes, de sables et cailloutis légèrement ondulés (avec du méthane dans certaines structures anticlinales). L’enfoncement de la plaine se poursuit actuellement vers l’est, dans le delta du Pô, menaçant Venise.La variété des paysages morphologiques de la plaine est assez grande. Entre la montagne et la plaine alluviale moderne s’interposent les piémonts, avec une bande de collines, de glacis ou de hautes terrasses. Sur le versant apennin, la montagne s’arrête brusquement sur l’emplacement d’une flexure post-pliocène laissant place à un vaste glacis alluvial d’âge würmien. Du côté alpin règne plus de diversité avec des contacts par glacis d’érosion (région de Biella) ou par développement d’amphithéâtres morainiques prolongés par un système de terrasses étagées convergeant vers l’aval; ces terrasses, formées d’un matériel alluvial grossier, sont perméables et donnent une impression d’aridité (avec des noms locaux: brughiere , vaude , groane , magredi ). Ces terrasses forment la «haute plaine». Au contact avec la «basse plaine» alluviale, il y a une ligne de résurgence, vers 110-120 mètres d’altitude, ce sont les fontanili ou risorgive . On passe alors dans la bassa , aux alluvions fines, imperméables, gorgées d’eau. Elle est parcourue par le Pô, au régime soutenu grâce aux variations régulières des grands affluents alpins (Tessin, Adda...). Toutefois le Pô transporte des masses énormes d’alluvions, alors que la pente est très faible d’où de nombreux méandres et un exhaussement du lit nécessitant la construction de digues de protection qui se rompent parfois lors de crues catastrophiques. La plaine padane se termine par une côte basse à lagunes fermées par des cordons littoraux (les lidi ). Cette côte régulière n’est interrompue que par le vaste delta du Pô (et de l’Adige) qui a avancé dans la mer de près de 25 kilomètres depuis l’époque romaine. Enfin, la plaine est coupée par quelques reliefs isolés, collines tertiaires argilo-sableuses du Montferrat et des Langhe, pointements volcaniques des monts Berici et des collines Euganéennes.Toute la plaine est soumise à un climat à tendance continentale avec des hivers rudes, des brouillards fréquents, des étés chauds et orageux. Les influences méditerranéennes réapparaissent près de l’Apennin et en approchant de l’Adriatique ou sur les rives des lacs subalpins le climat est adouci. La végétation naturelle a totalement disparu du fait de la mise en valeur.Une grande région ruraleL’économie rurale de la plaine padane est caractérisée par des rendements élevés et un souci de modernisme. Elle ne représente que 37 p. 100 de la superficie exploitée italienne mais fournissait en 1984 56 p. 100 du blé tendre, 99 p. 100 du riz, 84 p. 100 du maïs hybride, 36 p. 100 du vin, 60 p. 100 des fruits, 53 p. 100 des fourrages, 60 p. 100 du lait... de la production italienne. Au total, le tiers de la valeur ajoutée de l’agriculture italienne est produit ici. Ces résultats remarquables sont le fruit d’un travail acharné, commencé dès le Moyen Âge sous l’impulsion des monastères et de la bourgeoisie des villes. Très tôt, une agriculture capitaliste est née dans la plaine. Des travaux d’irrigation, de bonification ont été menés des siècles durant. L’État a aussi apporté sa contribution, notamment par la réforme agraire dans le delta du Pô. L’agriculture a été à l’origine de produits d’exportation (soie, fromage, charcuterie...) tandis que la proximité des grands foyers urbains de consommation et l’intégration de la plaine padane au marché international poussaient à l’accroissement de la production et à l’élévation des rendements par le biais de la mécanisation et de la modernisation des exploitations (emploi d’engrais, sélection des semences, motorisation...). Le tableau de cette vie rurale est très nuancé.Les secteurs bordiers de la basse plaine ont une prospérité inégale. Sur la haute plaine sèche l’association blé-maïs prédomine et a remplacé la culture du mûrier. Les collines portent des vignobles (Astigiano), légumes et fruits l’emportent en amont de Turin, blé et betteraves à sucre font de même autour d’Alexandrie. Vers le versant émilien, au sud du Pô, il y a abondance de cultures légumières (tomates, oignons, petits pois...), de vigne et d’arbres fruitiers (pêchers, pommiers, abricotiers...). L’agriculture y est associée à l’élevage bovin et porcin dont on tire des produits renommés (parmesan, jambon de Parme). La basse plaine est le domaine de la grande culture. Il y a d’abord à l’ouest, de Vercelli à Pavie, la zone rizicole. Elle fait place, du Sud-Milanais (Lodigiano) à Crémone, à une zone d’abondants fourrages obtenus grâce à un système de prairies irriguées, les marcite ; cela constitue le support d’un dense élevage bovin (lait, gorgonzola). Tout le delta du Pô est de bonification récente et porte, dans le cadre de vastes exploitations, des cultures industrielles (betterave à sucre), des céréales, des vergers spécialisés (pommes, poires, pêches). Toutefois, la part de l’agriculture dans l’économie padane recule devant l’industrie et un intense exode rural y sévit.Des plaines industrieuses et urbaniséesL’industrie a de solides traditions, surtout en Piémont et Lombardie. Aux fabrications médiévales d’armures milanaises a succédé le travail des textiles (laine, soie). À la fin du XIXe siècle, l’unité politique, la construction du chemin de fer, l’ouverture des voies transalpines, l’utilisation de l’hydroélectricité, l’apport des capitaux venus de la terre et de l’étranger (la banque allemande) ont donné une impulsion majeure à l’industrialisation surtout dans la partie occidentale de la plaine du Pô. Ainsi s’est formé le «triangle industriel», foyer principal de l’économie italienne. Ultérieurement le renforcement du potentiel hydroélectrique, la découverte du méthane, la mise en place d’un réseau autoroutier ont consolidé cette situation. Les deux foyers principaux sont Milan (1 432 184 hab. en 1991) à la tête d’une conurbation de 4 millions d’habitants et Turin (991 870 hab.; agglomération: 2 millions d’habitants). La métropole lombarde, Milan, est la vraie capitale économique de l’Italie. Premier centre commercial et bancaire du pays, siège des principales sociétés nationales, foyer de rayonnement culturel par ses journaux, ses éditeurs et ses universités, Milan organise une vaste région industrielle aux productions les plus diverses mais dont les fondements reposent sur le textile, la métallurgie (firmes Falck, Alfa-Romeo, Marelli), la chimie (Montedison, Snia Viscosa, Pirelli). Turin, ancienne capitale, a une fonction régionale importante mais est dominée par la présence de la Fiat et de l’industrie automobile ce qui suscite d’autres activités (machines-outils, accessoires automobiles, confection, imprimerie...). D’autres foyers industriels existent: électronique à Ivrée, travail de la laine à Biella, mécanique et chimie à Alexandrie (103 000 hab.) et Novare (103 349 hab.), chaussure à Vigevano, aéronautique à Varèse, meubles dans la Brianza, ciment et coton à Bergame (117 886 hab.), mécanique à Brescia (196 766 hab.). Le débouché de cet ensemble est le port ligure de Gênes.La partie orientale de la plaine du Pô est moins bien équipée. La côte adriatique a une grande valeur touristique mais son industrie est limitée malgré la pétrochimie de Ravenne, la métallurgie des non-ferreux et la chimie de Porto Marghera-Venise, les constructions navales de Trieste. Le tissu industriel est plus distendu, avec des foyers isolés (par exemple l’électroménager à Pordenone). Il manque ici une vraie métropole régionale, car Trieste (231 047 hab.) est trop excentrique et Venise (317 837 hab.) ne s’impose pas de manière décisive face à Padoue (218 186 hab.) et Vérone (258 946 hab.). Les initiatives industrielles sont souvent télécommandées par Milan. Cela est moins vrai en Émilie où la petite et moyenne entreprise l’emporte grâce au dynamisme d’entrepreneurs locaux. Sur 300 kilomètres, le long de la voie Emilia, doublée par le chemin de fer et l’autoroute du Soleil, un alignement de centres régionaux fixe les initiatives industrielles. Aux industries alimentaires sont venus s’ajouter la mécanique à Plaisance (103 536 hab.), à Reggio nell’Emilia (131 880 hab.), à Modène (177 501 hab.), la chimie légère à Parme (173 991 hab.), la verrerie à Fidenza, le carrelage à Sassuolo, la bonneterie à Carpi, la chimie à Forli (109 755 hab.). Un peu à l’écart, Ferrare (140 600 hab.) et Ravenne (136 724 hab.) sont davantage le lieu d’implantation de grosses unités chimiques d’origine extérieure. C’est Bologne (411 803 hab.), vieille ville universitaire et commerciale, qui a les productions les plus variées (mécanique surtout) et qui assume la direction régionale des plaines du sud du Pô. Ainsi l’on assiste à un phénomène de diffusion industrielle depuis les zones congestionnées du «triangle» vers l’est de la plaine. Par là, la plaine du Pô conserve sa place de choix dans l’industrie italienne (50 p. 100 de l’appareil productif national environ). Plus que jamais, la combinaison de sa riche agriculture, de sa puissante industrie et de ses nombreuses activités tertiaires, dont le tourisme, en font l’épicentre de l’économie italienne.
Encyclopédie Universelle. 2012.